Interview de  Marion Duzac, consultante webmarketing chez OCTO Technology pour analyser un peu les nouvelles tendances web à venir pour les entreprises : la gamification. Déjà bien utilisée aux US, cette pratique reste encore bien méconnue en France.

Wikipédia la définit comme suit : « transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier des sites web, des situations d’apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu. Cette technique de conception permet d’obtenir des personnes des comportements que l’on pourrait considérer sans intérêt ou que l’on ne voudrait ordinairement pas faire : remplir un questionnaire, acheter un produit, regarder des publicités ou assimiler des informations ».

On a très peu d’exemples de gamification en France, pourquoi selon toi ?

Le phénomène est encore relativement récent. Aux Etats-Unis on a dépassé le stade de la théorie et on observe des initiatives concrètes. En France, on commence à voir pas mal d’articles depuis le début de l’année, ce qui laisse présager que des actions vont suivre. Si on parle de la gamification un peu élaborée alors ça devient un sujet complexe. Il ne s’agit plus seulement d’attribuer des points et des badges. La difficulté n’est pas tant d’ordre technique, mais le challenge est surtout de réussir à comprendre quels mécanismes vont inciter les internautes à jouer une première fois et surtout à continuer et à faire venir leur entourage.

Les quelques exemples que j’ai pu voir tournent autour de sites e-commerce ou autour de domaines totalement autres (ex : éducation aux US), et dans le B2B ça peut donner quoi selon toi ?

Il est vrai qu’on remarque plus les exemples de gamification en B2C mais il en existe aussi en B2B. Je pense notamment à BunchBall qui a réalisé la gamification de la plateforme Salesforce. La gamification a le potentiel de transformer l’entreprise : la relation avec les clients et prospects bien sûr, mais également la façon qu’ont de travailler les équipes en interne. Il semble que les applications gamifiées aient de l’avenir, comme le montrait une étude de l’institut Gartner. Cette mouvance répond à une demande presque « générationnelle » pour ceux qu’on appelle la génération Y : des personnes encore relativement jeunes mais qui arrivent sur le marché du travail et qui sont aussi les nouveaux consommateurs. Ils ont joué aux jeux vidéos depuis leur plus jeune âge, ils sont technophiles et accros aux réseaux sociaux. C’est certain, la gamification ne conviendra pas à tout le monde, mais ce public là y sera particulièrement sensible.

Quels seraient les risques pour les entreprises ?

Faire de la gamification juste pour suivre une tendance : si on ne trouve pas un bon système de gamification et qu’on se contente de mettre des points partout, non seulement ça devient de la « pointsification » mais surtout ça peut nuire à l’image de la société : les gens vont se dire « ils nous prennent pour des cons ».

Du coup quels seraient les tips and tricks à appliquer avant de se lancer, pour que le jeu se transforme en acte d’achat ou en utilisation du service proposé ?

Tout d’abord ne pas oublier que c’est avant tout un outil marketing et non pas du jeu pour le jeu. Le système de ce dernier doit être « intelligemment » préparé en amont. Il faut en premier lieu définir les actions qu’on veut récompenser. Ce ne sera pas l’achat en n°1 dans tous les cas, mais quand le but est d’augmenter ses ventes, il faut évidemment s’assurer que le jeu incite et récompense les achats. Concrètement, la première étape mise en place par les « GSP » (Gamification Service Provider) aux US c’est d’analyser et définir les besoins, les actes à favoriser par le jeu en mode audit / conseil.

A quand le décollage des pratiques gamifiées en France ?

Même si le phénomène met plus de temps à arriver qu’aux US, il est bon de se renseigner sur le sujet, de lire les articles, de suivre les speakers qui en parlent et de regarder ce que nos voisins outre atlantique font déjà : les 4squares and co ont bien pris aux US (ex : Starbucks et ses mayors)… Donc si nos marques sont encore timides en France, rien n’empêche de déjà s’inspirer un peu. D’autant que dans ce domaine, les précurseurs obtiendront un net avantage concurrentiel sur les autres.

A bon entendeur !

Pour info : Marion s’est intéressée à ce sujet plus en détail et est actuellement en train d’écrire un article sur la gamification dans les process RH.

Affaire à suivre donc 😉